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Théâtre

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Oxygène

Cette pièce a été publiée en 2003 par les Presses Universitaires du Mirail.

ISBN 2-85816-696-5

 

En guise d’illustration voici la scène 6,

adaptée en alexandrins et ne contenant

que les deux rimes «ène» et «ique» pour

illustrer le combat de l’oxygène contre le phlogistique.

Scène 6 :

 

Une pièce nue, à l’exception d’un rideau de théâtre. M. et Mme Priestley, Scheele et Fru Pohl sont assis, le dos tourné au public. La scène suggère une loge royale occupée. M. et Mme Lavoisier entrent.

LAVOISIER ET MADAME LAVOISIER

(Ils saluent en faisant une profonde révérence)

Majestés !

 

LAVOISIER

Docteur et Madame Priestley !

 

MME LAVOISIER

Apothicaire Scheele, Fru Pohl …

 

LAVOISIER

Soyez les bienvenus !

 

MME LAVOISIER

Majestés … connaissant votre goût pour le théâtre et l’opéra …

 

LAVOISIER

Dans votre magnifique théâtre de Drottningholm …

MME LAVOISIER

Et dans la tradition de la cour de notre Roi Louis XVI …

 

LAVOISIER

Nous vous présentons un bref divertissement, une mascarade, concernant …

 

MME LAVOISIER

La Victoire de l’Air Vital …

 

LAVOISIER

Sur le Phlogistique !

(De la musique de Lully, Rameau, Mozart, ou si possible du compositeur suédois Johan Helmich Roman, s’élève majestueusement. Scheele et Priestley se déplacent pour montrer leur inquiétude. Les Lavoisier, après s’être masqués, entrouvrent les rideaux. A partir de cet instant et jusqu’au moment où la mascarade commence, la musique doit diminuer ou se transformer en un accompagnement récitatif au clavecin)

 

LAVOISIER (tenant le rôle du Phlogistique)

(Il joue de manière prétentieuse, infatuée, accompagné d’une musique pompeuse. 

Il déclame, de préférence en récitatif)

Esprit de la Chimie, mon nom est Phlogistique ;

Je suis l’élément clé, le cœur de l’atomique.

Les anciens philosophes, nos savants helléniques,

Sur l’eau, l’air et la terre ignoraient ma pratique.

Sans moi tout reste obscur, grossier et archaïque.

Je transmue les matières de façon scientifique :

Sels et métaux précieux, tous les produits chimiques

Exaltés par mes soins, s’offrent à vous, magnifiques.

 

(Les couples Priestley et Scheele approuvent de la tête, et miment des applaudissements)

 

MME LAVOISIER (tenant le rôle de l’Oxygène)

(Elle porte le masque de l’Oxygène)

Vous paraissez bien sûr, très brillant Capitaine,

De quoi le monde est fait. Il faut que je comprenne.

Je vais vous écouter, attentive et sereine,

Dites-moi, je vous prie, comment cela s’enchaîne.

 

PHLOGISTIQUE

Pour commencer, Madame, prenons le calorique.

Dans l’air, tout corps qui brûle me rend pneumatique !

Le charbon et la graisse sont pleins de phlogistique.

Après qu’ils aient brûlés, je suis atmosphérique !

 

OXYGÈNE

Avez-vous une fin ou êtes-vous pérenne ?

 

 

PHLOGISTIQUE

Ecoutez-moi encore, gracieuse sceptique,

Je suis présent dans l’air à dose pléthorique

Mais j’apparais aussi, de façon plus typique :

Pour un métal qui rouille, je deviens erratique,

Oui, je m’échappe. Mais je vous sens agonistique …

 

OXYGÈNE

Vos miracles sans fin ! poursuivez, que j’apprenne !

 

PHLOGISTIQUE

Depuis le minerai je suis le métallique,

A l’extraction mon rôle est tout, sauf empirique.

Je suis dans le charbon aussi, ce qui explique

Du minerai, pour moi, le rôle sudorifique.

 

OXYGÈNE

Merveilleux ! Mais à vous suivre j’ai de la peine.

Et votre théorie n’est que calembredaine !

Nous savons que les airs existent par dizaines,

La science est déjà bien riche en ce domaine.

L’eau n’est point élément, elle est hétérogène.

Et Antoine, mon mari, va le montrer sans peine.

 

(Priestley devient très agité à partir de cet instant)

 

PHLOGISTIQUE

Une révélation ? j’en accepte le diagnostic.

 

OXYGÈNE

Mon mari montrera que tous ces phénomènes

Dépendent de l’air vital - qu’il appelle « Oxygène ».

Phlogistique, âme du feu ? cette prétention vaine

L’est aussi pour la rouille. Non, c’est l’oxygène.

Nourrir les flammes, donner la rouille, il se démène !

Au charbon et au fer il se lie bien, sans gêne.

L’idée du Phlogistique nulle part ne nous mène,

Seul, du minerai, le charbon prend l’oxygène !

Et de plus, votre idée sur la rouille est malsaine.

Pendant qu’il se corrompt, mon cher énergumène,

Le poids de tout métal ne reste pas indemne

Le métal pour cela doit capter l’oxygène.

Pourquoi donc dans ce cas ressasser votre antienne ?

 

PHLOGISTIQUE

(Embarrassé)

Ma chère, (Pause) … Phlogistique est si fantomatique

Que son poids, presque nul, devient anecdotique

Et dans ce cas, alors, où est l’arithmétique ?

(En même temps il danse avec un grand ballon pour simuler son dégagement dans l’atmosphère)

 

OXYGÈNE

Mon cher Monsieur, voyez, votre erreur vous gangrène.

Des masses négatives sont des sottises vaines.

Une révolution arrive sur la scène

De la chimie : je viens de nommer l’oxygène.

Théorie dépassée, périmée, plus qu’ancienne,

Le phlogistique, Monsieur, n’est plus pour les mécènes.

 

(Les Priestley, Scheele et Fru Pohl s’agitent de plus en plus à partir de cet instant 

et jusqu’à la fin de la scène)

 

Et vos cinq éléments sont à mettre à la benne,

Deux terres, feu, air, et eau ? Quelle est cette quintaine ? 

Sans compter l’oxygène, il y en a des vingtaines,

Certains déjà connus, d’autres feront l’aubaine

Des chimistes à venir. Dans ces années prochaines

Ils nous honoreront. Ces principes contiennent

La chimie du futur. Ah, que ces temps surviennent !

Chaque élément possède une masse, la sienne.

Les masses se combinent, les masses se maintiennent

Dans une réaction ; il faut qu’on le comprenne.

« Rien ne se perd, rien ne se crée », quoi qu’il advienne.

Il est temps de nier les théories anciennes

Et de prendre parti devant nous, sur la scène,

Pour la chimie nouvelle, enfin, pour l’oxygène.

Souverains protecteurs, distingués Rois et Reines

Soyez remerciés. Vos lumières amènes

Ont fait du phlogistique, cette vieille rengaine,

Une idée abolie, sans peur qu’elle revienne.

Célébrons du vainqueur la victoire certaine

Sur ce vieux phlogistique, victoire souveraine !

 

(Phlogistique et Oxygène se battent jusqu’au final musical. Mme Lavoisier crève le ballon avec son épingle à chapeau et Phlogistique tombe par terre. Les Priestley, Scheele et Fru Pohl renversent leurs chaises et quittent précipitamment la scène)

 

(Les Lavoisier jettent leurs masques à terre)

 

LAVOISIER

Cela ne leur a pas plu ! Nous sommes peut-être allés trop loin.

 

MME LAVOISIER

Nous avons semé le doute … et le leur va croître.

 

LAVOISIER

Je suis inquiet.

 

Fin de la scène 6

(Fin du premier acte si la mise en scène comporte un entracte) 

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